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Ma vie de maman, Paroles de ChaCha

Ce qu’il me reste…

22/07/2018

Je ferme souvent les yeux fort, très fort et je fronce tout autant mon nez fort, très fort, comme une enfant… comme l’enfant que je suis et que je resterai… Comme l’enfant qui ne veut pas oublier…

Je ne tente pas de me persuader, je cherche simplement, souvent à me souvenir. Je peine, c’est difficile car le temps efface les paysages, les voix, les visages et pourtant… ils ont bien existé…

Des nuits, des jours, des chansons, de l’amour… Et puis des odeurs aussi, ces parfums de fruit, d’épices, de vin, d’eau de vie et de licor café…

Tout ça je l’ai bien vécu, vu, senti et de tout mon être je veux m’en souvenir jusqu’à la mort.

Je me souviens avec difficulté certes, mais j’entends encore les rires, les cris, les chamailleries, la vaisselle qui s’entrechoque, les grandes tablées souvent trop bruyantes.

Je me souviens des mains qui coupent, qui épluchent, de ces couteaux tranchants. Je me souviens du cuivre, des rosaires et des livres de messe. Je me souviens de la naphtaline, des traversins et des chambres aux murs fins, j’entends encore j’en suis certaine les ronflements.

Je me souviens du rouge à lèvre et du rouge à joues, du parfum, des foulards et des sacs à main. Je les revois bras dessus, bras dessous allant à la messe.

Tout ça je l’ai bien vécu, vu senti de tout mon être et je veux m’en souvenir jusqu’à la mort.

Je me souviens des voyages, longs, très longs parfois trop longs et de l’excitation à chaque mètre qui nous rapprochait de notre destination.

Je me souviens des montagnes, des virages, del rio, des ponts, des montées et des descentes.

Je me souviens de la musique, des fêtes du village, des rires…

Je me souviens de mes premières libertés, de mes premières veillées c’est là bas et pas ailleurs que tout était possible ou presque.

Je me souviens de la peur ou plutôt de la grosse trouille à la nuit tombée quand il fallait monter cette pente.

Je me souviens de ces légendes que tout le monde inventait et que je ne pouvais m’empêcher de croire.

Je me souviens que l’on était tous cousins et que j’étais la fille du portugais, c’était mon passeport, encore mieux si je disais que j’étais la petite fille de Maria do Lumbeiro.

Je me souviens de ces mots qui se bousculaient dans ma tête mais que je prenais grand soin de prononcer, fière comme tout.

Je me souviens, oui, car ils étaient bien là, ils étaient bien vivants et c’était mes grands-parents…

Je n’ai pas choisi, non, pas choisi du tout, tout s’est imposé à moi… Ma maman est espagnole, mon papa est portugais, ils se sont rencontrés en France et c’est là que je suis née, encore une fois je n’ai rien demandé.

Je n’ai rien demandé non plus, quand en grandissant mes parents m’ont inscrite à l’école portugaise, au catéchisme portugais et qu’ils ont construit leur maison au Portugal. Je n’ai pas choisi pendant longtemps les destinations des vacances…

J’étais la portugaise, rarement l’espagnole et pourtant… Je me souviens, oui, car ils étaient bien là, ils étaient bien vivants et c’était mes grands-parents… 

La vie est ce qu’elle est et chacun se construit comme il peut… Certains refoulent, d’autres revendiquent, d’autres encore renaissent…

J’ai toujours eu du mal avec ma double voire triple culture, car l’une prenait forcément le pas sur l’autre et je n’avais pas d’explication.

Les choix de mes parents ne sont pas les miens, aujourd’hui plus que jamais j’ai besoin de dire à mes enfants qu’ils ont eux aussi cette double voire triple culture et qu’ils doivent en être fiers.

Je ne suis pas snob, je ne m’invente rien. Aujourd’hui si je parle en espagnol à mes enfants, même en faisant des erreurs, même en cherchant mes mots ce n’est pas pour faire genre, ce n’est pas pour manquer de respect à quiconque, c’est là bien tout le contraire. L’Espagne fait partie de moi, de ma vie, elle coule dans mes veines et chaque mot que je prononce me rapproche de mes racines, de mes grands-parents que j’aimais tant.

Ne pas parler à mes enfants en espagnol serait pour moi justement une erreur, ce serait comme nier qui je suis, nier mes racines et pire encore faire comme si mes grands-parents n’avaient jamais existé. C’est la langue qu’ils m’ont enseigné, c’est ce qu’ils m’ont transmis, c’est dans cette langue qu’ils m’ont aimée.

Aujourd’hui encore cela fait des histoires, ça anime des discussions je dois me justifier, alors je pose ça là une dernière fois.

Le monde est assez vaste et chacun peut facilement trouver sa place sans avoir sans cesse à se justifier.

Mes grands-parents sont partis, ils sont morts et dans ma bouche, dans mon cœur, chaque mot prononcé dans leur langue, c’est ma façon de les maintenir en vie et de leur dire merci…

Un beso

Ma vie de maman, Paroles de ChaCha

Je suis une maman bilingue : hablo español con mis niños

21/03/2017

Enfant, adolescente ou jeune adulte, j’ai toujours pensé, voulu, être maman. Dans mes rêves, ou les actes que je pouvais reproduire enfant, il était évident que je partagerai une de mes langues maternelles… Oui mais laquelle, puisque d’un côté ma maman est espagnole et de l’autre, mon papa est portugais…

C’est mon histoire, mon adolescence et mon ressenti qui m’ont permis de choisir, ou plutôt mon instinct qui m’ont poussée à choisir l’espagnol.

J’ai choisi la langue du cœur, plus que celle de la raison. J’ai souffert, oui on peut le dire et j’en ai déjà parlé ici et , que mes parents aient choisi de privilégier le portugais et le Portugal au détriment de l’Espagne.

Je ne juge pas, même si aujourd’hui maman à mon tour, j’ai toujours du mal à comprendre je me dis que mes enfants qu’on le veuille ou non baigneront dans les 2 origines et les 2 langues.

Monsieur Doux ne s’est jamais opposé à ce que je parle espagnol à Mini Moi1, bien au contraire ! Il m’a encouragée et parfois défendue lorsque certaines personnes ne respectaient comprenaient pas ce choix.

C’est merveilleux, jusqu’à présent nous avons passé nos vacances d’été, donc les plus longues, au Portugal et grâce à moi, oui moi, Mini Moi1 a, non seulement l’oreille entrainée, mais en plus il comprend ou a des pistes de compréhension qui lui permettent timidement de ne pas se sentir exclu, le portugais ayant quelques similitudes avec l’espagnol ou du moins les mêmes bases. (merci le latin !)

Comme durant mon enfance, le temps passé en Espagne sur les Terres de ma maman est anecdotique et ne lui permet pas de pratiquer correctement la langue, toutefois quel bonheur de voir un sourire, un rire, une complicité entre lui, ma marraine, mon oncle et ma cousine, la future marraine de Mini Moi2.

J’avoue qu’en grandissant le regard des autres est devenu pesant, ou du moins la pression que je me suis mise.

Je m’explique : il m’est parfois difficile en public de m’adresser à mon grand en espagnol car je redoute le regard de ses camarades, je redoute l’exclusion, c’est idiot je sais bien. A tel point que je lui parle de moins en moins en espagnol, sauf à la maison ou dans l’intimité (la voiture lol, en petit comité…). J’ai peur aussi de faire des fautes et que de parfaits hispanophones puissent me juger « mais qu’est ce qu’elle a celle là à se la jouer espagnole alors qu’elle n’a pas le niveau »… Ce qui me sauve c’est que j’ai un bon accent ^^. Il y a aussi ce que je craignais, Mini Moi1 qui me demande pourquoi je lui parle espagnol et pas portugais…

Bah oui quoi ? ses grands parents maternels vivent au Portugal, ses grands parents paternels vivent ici mais parlent le « frantougais » merci José Cruz pour l’expression découverte grâce à toi… 😉 Il se rebelle, mais la chance que j’ai c’est que la langue du cœur, la langue de la tendresse et de nos moments rien qu’à nous est l’espagnol et c’est ce qui nous réconcilie…

{ petite parenthèse, on parle tous le « frantougais » quand on est immigré ou enfant d’immigrés donc ce n’est pas un problème 🙂 }

L’arrivée de Mini Moi2, m’a remise sur les rails… Je suis bien décidée à lui parler exclusivement en espagnol, ce qui m’aidera à renouer ou presque avec mon grand. Tout comme avec le premier il y a des rituels qui font toute la différence : les berceuses en espagnol que j’invente, ou que je trouve sur internet, les comptines, les câlins en espagnol, le rituel du bain en espagnol, celui de l’histoire du soir en espagnol, nous commençons à avoir une sacrée collection de livres… A table, ou encore dans la voiture… et puis les mots d’amour… les mots d’amour glissés dans leurs oreilles… les encouragements en espagnol… et puis tant pis si le français vient interférer car évidemment il me manque un peu de vocabulaire, bien sûr me falta practica.

C’est une chance incommensurable de pouvoir parler une langue étrangère, elle est triplée pour ma part puisque je parle aussi portugais et anglais et cette dernière me fascine.

Je ne peux qu’encourager ma génération à faire de-même, c’est à dire faire de son mieux… Instaurer des rituels, des mots d’amour, la complicité ne sera que plus forte et tant pis si on fait des erreurs et tant pis si on nous regarde de travers…

J’ai lu, entendu qu’un enfant devait avoir un seul référent par langue, voilà pourquoi je ne peux pas leur parler portugais en plus… (deja les mélanges français/espagnol aie aie aie) 

Je m’accroche, je ne dis pas que c’est simple tous les jours… Justement ces jours où je doute, ces jours où parfois je me trouve nulle, je pense à 2 personnes qui de là-haut veillent sur moi et je pense, doivent être fières : mi abuela y mi abuelo. J’ai manqué d’eux et ils me manquent aujourd’hui et chaque jour un peu plus… Bien sûr je suis très attachée à ma famille paternelle, mais ce n’est pas pareil, ma grand mère je la voyais souvent ici, alors qu’en Espagne c’étaient des instants volés, quelques jours, bien trop courts suspendus dans le temps, dans la chaleur des montagnes. Une grande famille et des grands parents que l’on avait peur de fatiguer, de gêner dans leur, pourtant grande maison.

J’ai aimé d’amour mes grands parents qui m’ont fascinée, j’ai détesté ces jours trop courts où pourtant je ne pensais qu’à m’amuser dehors, je m’en rend compte aujourd’hui adulte.

Je remercie les racines qui poussent en moi de plus en plus en vieillissant, en devenant maman (comprenne qui pourra) : l’importance de l’Espagne, l’importance du Portugal dans ma vie, dans nos vies, celle de ma famille, celle de mes enfants… Je remercie ce patrimoine de faire qui je suis aujourd’hui, une touche à tout, curieuse et ouverte sur le monde.

Me faltan palabras claro, para decir cuanto quisiera que mis niños puedan entender lo importante que es para mi, poder transmitirles el amor y el cariño que tengo para España, para mis abuelos y claro para mis padres… Hay que valorar quienes somos…

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Sean felices !

Sean puntuales !

Besitos

ChaCha